Ne pas se laisser avoir. Ne pas tomber dans les pièges de l’imbécilité et la terreur. Continuer à se battre pour ce en quoi nous croyons et ce qui nous fait avancer.
Nous sommes tous ébranlés par la confirmation reçue ce matin des temps sombres que le monde est en train de vivre. C’est pourquoi la dernière représentation de Nord Nord Ouest au Théâtre de la Jonquière que nous donnerons ce soir aura une résonance encore plus forte qu’une simple « dernière ».
Hier, la première critique de Nord Nord Ouest est sortie, et nous remercions Le Souffleur pour ces belles lignes ! À découvrir ci-dessous. « Le collectif est là, fonde tout. » Il faut se recentrer sur tout ça, pour aller de l’avant.
Actuellement, il reste 10 places disponibles pour ce soir : dépêchez-vous avant qu’il ne soit trop tard !
« Par la plus petite technique, parvenir aux plus grands effets ».
La Troupe en Bois, qui compose, met en scène et joue la pièce Nord Nord Ouest, semble avoir trouvé dans cette expression une maxime à sa mesure. La compagnie souhaitait nous emmener « dans un voyage surréaliste », « dans un univers atemporel entre Saint-Exupéry et Michel Gondry [le romantique réalisateur de L’Écume des jours] ». Le pari est relevé, et brillamment ! Le spectateur se laisse embarquer dans ce conte d’apprentissage à la sauce Indiana Jones.
Ana est une paléographe accomplie. Aux côtés de son assistant Ulysse, elle se réjouit de son quotidien fait de rediffusions de documentaires, de conférences universitaires et d’épluchages de manuscrits. Une lettre, reçue de son frère Victor dix ans après son départ pour le monde, va bousculer ce petit train de vie serein. Dans cette quête de celui qui l’a délaissé, Ana éprouvera les étapes de l’aventure : étonnement, doutes, réconfort… Un jeu de piste où le trésor final n’est pas toujours celui que l’on croit. Ménageons ici un peu de suspens.
Touche-à-tout, la troupe transforme la scène en une aire de jeux prolifique. Et si l’écologie théâtrale est l’avenir, la T.E.B en a bien saisi le principe : au plateau, rien ne se perd, tout se recycle. Exemple, une table retournée offre une parfaite calèche brinquebalante. Tout est à vue et pourtant les décors prennent forme sans qu’on s’en aperçoive grâce aux acteurs-régisseurs. Vêtus de noir, ils se faufilent des coulisses au proscenium, posant ici une chaise, donnant là vie à un drôle de poulpe. Des démiurges invisibles par leur toute visibilité. Pourquoi y croit-on ? La magie n’opérerait sans doute pas sans l’incroyable talent dont fait preuve Roman Facerias qui signe la création sonore. A l’avant-scène, entouré de son bric-à-brac, il compose l’environnement musical des tableaux : d’une essoreuse à salade émane le ronronnement régulier d’un train, d’une paille et d’un verre d’eau, le glouglou du poulpe.
Fille talentueuse du Porteur d’histoire, Molières du meilleur auteur et du meilleur metteur en scène, cette création millimétrée et protéiforme s’aventure avec la même veine poétique dans ce goût du voyage et la construction de soi. Des dialogues limpides, un duo de personnages principaux complice, des costumes finement choisis, une palette chromatique visuelle accordée, chaque détail semble avoir coulé dans le moule de la simplicité sophistiquée. Il aura fallu trois ans à la compagnie pour créer cette pièce. Et, à voir leur travail et la douceur réconfortante qui se dégage de leur spectacle, on les en remercie. Bien sûr, des faiblesses de jeu, des défaillances techniques et autres maladresses sont à noter, bien vite oubliées par le bon sens, l’écoute et les rapports de confiance que les acteurs ont su instaurer entre eux. Le collectif est là, fonde tout ! Ce n’est pas une troupe en toc à laquelle nous avons affaire, mais bien en bois massif, aux racines implantées dans le travail communautaire et dont il nous tarde de voir éclore les fruits de la maturité.