Critique en bois #9 – West Side Story, New York est à Paris !

« Tonight, tonight … » 
Comme le chante Tony, un miracle va arriver ce soir là. Pour nous, spectateurs, le miracle est sur scène.
West Side Story au théâtre du Châtelet, c’est 2h15 pour se délecter de chaque pas de danse de Jérôme Robbins, à chaque note de Léonard Bernstein et Stephen Sondheim. Tandis que le livret signé d’Arthur Laurents nous entraîne de Roméo à Juliette aux gangs de New York en s’arrêtant à l’âge d’or de Broadway.
Musical légendaire de l’Amérique, qui n’en connait pas l’histoire, les mélodies, le film et les mythes ?
Le terrain de lutte se réduit au terrain de basket-ball et de quelques rues, les jets et les sharks s’opposent, gamins désœuvrés d’un siècle qui ne veut pas d’eux, violence qui s’exprime dans la danse et le claquement de doigts devenu mythique.
« Immigrant goes to America, Many hellos in America;  Nobody knows in America, Puerto Rico’s in America! » 
Ironiquement, Puerto Rico vient de voter pour devenir le 51ème Etat des États Unis et West Side Story raconte aussi cette grande histoire du mélange new yorkais, plus largement de l’Amérique du nord.
Les décors sur écran photographique de New York matérialisent finement la ville, alors qu’avant le premier entracte, tous les interprètes se pressent aux balcons et sur scène, le voilà le Broadway de l’âge d’or. Une œuvre qui parle de son époque en tous temps, une histoire d’amour et au-delà de communautés et d’échanges, des chants sur des mélodies éloquentes et surtout, surtout ces danses.
Dans West Side Story, la danse prend une formidable importance. Une telle importance que Robbins fit performer à l’identique dans le film de 1961 chaque pas, chaque assemblage des danseurs. Tout est signifiant et cristallise la haine, l’amour, les combats et les luttes. Retenons particulièrement la superbement profonde et émouvante partition de Riff chantant à ses gars des Jets « Boy, boy, crazy boy, Get cool, boy! »
Leurs sauts collectifs, la beauté qui se dégage de cet ensemble dit, à mon sens, tout le poids et l’influence de cette comédie musicale
« Somehow, Some day, Somewhere! »
On peut s’étonner de la scène symbolique où tous les interprètes en blanc rejouent dans une scène un peu new age une société où tous se mêlent, jusqu’à ce que Riff et Bernado eux aussi en blanc reviennent sur scène la poitrine tachée de sang. La réalité reprend le dessus, le coup de feu de Chino fait sursauter la salle, provoque même des cris. La magie demeure en sortant, les mélodies aux lèvres et dans la rétine les pas envoûtants de Robbins.