Interview Ariane & Juliette – metteur en scène & assistante metteur en scène


Interview à deux voix autour de la mise en scène : Ariane, metteur en scène et son assistante Juliette

La metteur en scène et l’assistante de la pièce Château en Suède ont bien voulu se plier à l’exercice des questions entre convictions intimes sur la pièce, parti pris de mise en scène et humour. Car si la pièce servie par la mise en scène est glaçante, ces deux là sont chaleureuses et la conversation pourrait encore continuer longtemps !

Pourquoi avoir choisi cette pièce de Sagan et pas un autre texte ?

Ariane : Après avoir choisi un texte très contemporain écrit par Israël Horovitz en 2006, qui abordait des sujets très difficiles (le conflit israélo-palestinien, entre autres), nous avions envie de pouvoir exprimer toute l’extravagance qui peut être contenue dans une troupe comme la nôtre, et de nous amuser !

Juliette : Après avoir lu un bon demi-million de pièces , notre comité de lecture en bois a choisi ce texte car c’était le plus intéressant pour partir loin des sentiers battus. Ecrite en 1960, cette comédie plus que grinçante de Françoise est très actuelle, puisque les gens étranges, consanguins et un brin malsains existent toujours. Et à coté de chez vous. Ah non, ça c’est autre chose.

A. : Château en Suède correspondait à nos critères en termes de distribution (7 rôles qui avaient chacun un intérêt différent) et de faisabilité (un décor unique), mais surtout c’est une pièce qui nous a laissé une très grande marge d’interprétation. De plus, Sagan sait parfaitement doser l’humour de façon fine et simple à la fois. Le public rit de bon cœur mais tout est amené d’une façon très intelligente.

J.: Bref, cette pièce nous laissait une grande liberté d’interprétation, que ce soit au niveau des axes donnés aux personnages, de la mise en scène ou de l’ambiance générale dans la salle. Et c’est ce qui, au final, nous a convaincu pour le choix de cette année.

A. : Enfin, ce qui m’a tout de suite séduit dans Château en Suède, c’est la folie sous-jacente chez cette famille déconnectée des normes habituelles, et leur absence totale de bienséance. Rafraîchissant !



Pensez vous que Sagan aurait aimé cette mise en scène au rythme de Björk ?

A. : Impossible de le dire. A mon avis elle n’a pas pensé cette pièce comme étant un texte à réinterpréter ou à transposer, elle imaginait véritablement un vieux château enneigé et les costumes d’époque, que nous avons conservés. C’est d’ailleurs pour cela que toutes les productions de Château en Suède auxquelles nous avons pu accéder étaient très fidèles au texte, voire un peu au premier degré. A mon avis Sagan aurait apprécié l’ambiance trouble et le portrait de famille qui se dessine dans notre Château.

J.: Complètement ! Je pense que Sagan était complètement perchée, et comme Björk l’est aussi, leur esprit se reconnaissent dans un délire mystique… Plus sérieusement, Françoise était une femme libérée – comme on disait à l’époque, qui n’a pas hésité à sortir des sentiments mielleux et du carcan de la norme sociale à travers ses écrits, quitte à créer le scandale. Donc je pense qu’elle n’aurait pas craché sur un brin de folie supplémentaire, s’il ne dénature pas l’ambiance flippante de son Château.

A. : Si je peux ajouter quelque chose, je dirai que mon choix de musiques contemporaines de pop scandinave est très personnel, il correspond à des choses auxquelles je suis sensible, j’adorerais savoir si cela aurait aussi été son cas !

Pouvez-vous nous parler de la place de la danse dans cette mise en scène décalée et originale ?

J.: En fait, on rêvait de voir tous les comédiens nus sur scène, mais ils étaient contre cette idée pour d’obscures raisons d’atteinte à la pudeur. Du coup, on a mis les personnages à nu, moralement parlant. La danse est l’instant privilégié où les corps peuvent s’exprimer, et traduire les faces les plus sombres des membres de la famille Falsen.

A.: Nous avons monté deux numéros dansés dans Château en Suède. Je ne veux pas trop en révéler pour garder le suspense, mais je peux dire que le premier traduit ce dont je parlais plus haut, c’est-à-dire l’absence totale de normes et de morale pour la famille Falsen. Tous ces personnages accèdent à leurs désirs primaires et les réalisent sans aucune inhibition. J’avais envie de le montrer par un moment de pur lâcher-prise, je dirais même plus de sauvagerie. Le second numéro est plus intime.


J. : La première chorégraphie intervient à un moment clé de l’histoire, et le jeu des regards et des mains mis en place transcrit bien plus l’affreuse complicité de cette adorable famille que les mots n’auraient pu le faire. Et puis, il fallait bien qu’on arrive à faire taire Sébastien.

A. : Il est un moyen d’exprimer les tensions qui animent les personnages (désir, haine, jalousie…) autrement que par les mots. Ces numéros dansés sont effectivement décalés et confirment mon désir d’une mise en scène qui tire plutôt vers la brutalité des personnages que vers leur intellectualisation. C’est aussi une façon merveilleuse de permettre aux comédiens de prendre possession de leurs corps, et il y a toujours un regain d’énergie dans la pièce à la suite de ces épisodes.

Une anecdote l’une sur l’autre ?

Ariane : Juliette a une addiction au Coca, aux bonbons et aux chèches. Elle en a offert un à mon copain pour son anniversaire, parce qu’il était jaloux de son style. Ça veut tout dire non ?

Juliette : Ariane se prend pour une Reine, et ce depuis qu’elle a environ 5 ans… Ce qui explique qu’on trouve dans son appart un trône en aluminium, un diadème rose et un sceptre-à-paillettes-et lumière-rouge-qui-fait-un-bruit-d’étoile-filante. Mais on l’aime comme elle est !