Un week-end à la campagne

Un week-end de théâtre, c’est toujours un moment fort : on prépare les valises, on charge les voitures en ayant le cœur électrique, on arrive dans la maison de campagne avec des poissons dans le ventre, on travaille la pièce, on festoie et on ripaille, on travaille les personnages, on dort peu, on rit beaucoup, bref la troupe se vit et se construit pendant deux jours intenses comme un couple construit son amour en partant seuls, loin de la ville et de ses bruits.

Finalement, le week-end de troupe c’est un peu notre retraite à nous.

Ce week-end n’a pas échappé à la règle et fut d’une grande richesse : des idées se sont concrétisées et d’autres ont été soumises. Chacun a mis la main à la pâte et ces deux journées ont été porteuses d’avancées pour chacun de nous. En voici le résumé.

 

Le samedi

Nous travaillons de longues heures sur la première scène. Le plus difficile est de la rythmer, la rendre « vivante », et non ennuyeuse. Les comédiens travaillent la rythmique et les ruptures, le phrasé et les mouvements. Le générique (ou comment montrer en 10 secondes l’essentiel de son personnage) est également difficile à finaliser. Nous recommençons  encore et encore, afin d’arriver à quelque chose de net et compréhensible. Quel bonheur de voir ce générique se concrétiser et prendre forme ! Chaque comédien se prête au jeu et créé une présentation originale et unique, singulière et personnelle, la famille Falsen et leur château apparaissent dans les brumes de la création.

Ensuite, Ariane, la metteur en scène, propose à chaque comédien de trouver quelque chose de nouveau à son personnage: un trait de caractère auquel nous n’avons pas pensé, un aspect du jeu à approfondir, un tic, une démarche, etc. Le travail fourni et développé pendant cet atelier permet d’approcher sous différents angles notre personnage, de lui donner une autre dimension psychologique, et surtout, de le re-situer dans sa globalité.

 

Le dimanche

Matinée impro ! Ugo, le grand manitou régisseur – chef d’orchestre du site et fou de l’impro, nous lance dehors, au soleil, seul(e), à deux ou à plusieurs, des défis que nous enchaînons et les rires ne sont pas en reste. Nous devons, par exemple, imaginer notre personnage dans des lieux improbables … à la plage pourquoi pas, dans Paris sous la Tour Eiffel ou dans le quartier Barbès, les propositions délirantes ne manquent pas !

 

L’improvisation développe l’imaginaire, travaille la réactivité, et surtout, encourage l’écoute, notion indispensable au jeu du comédien.

Après les improvisations, nous nous lançons pour un atelier filmé : chaque personnage résume la pièce de son point du vue, en 1 minute. Une caméra filme son passage. A la suite de l’exercice, nous regardons tous ensemble les séquences. Le but est d’analyser la gestuelle et le langage du personnage : les tics et mouvements à éviter, les postures à privilégier, identifier les moments où on est le personnage et ceux où on est soi. Après discussion, chaque comédien travaille la gestuelle de son personnage, en tentant d’éliminer les défauts récurrents. Ce travail nous fait tous progresser. Acquérir une aisance corporelle est indispensable au comédien et indissociable de son esprit, car c’est toujours son esprit qui dirige son corps, jamais l’inverse. Et pas seulement l’esprit du comédien, mais encore et toujours l’esprit du personnage. Ainsi, Sébastien ne bouge pas comme Frédéric, Agathe ne se déplace pas comme Ophélie… Savoir trouver la démarche juste est un long et difficile labeur : tel est notre travail, notre défi ! Être comédien, c’est un métier !

Au-delà du travail sur la pièce et les personnages, ce week-end fut essentiel pour « l’esprit de troupe ». Il a soudé le groupe, resserré les liens entre nous. Nous avons appris à mieux nous connaître et avons partagé, ensemble, des moments riches et remplis d’émotions. Les petites attentions portées, par exemple à l’heure de la cuisine pour répondre aux goûts de chacun, ont été touchantes et témoignent non seulement d’une gentillesse indiscutable et aussi d’un esprit de famille qui anime cette troupe.

 

 

Photos : Juliette Delvienne // Texte : Eva Freitas