Le spectateur aurait tort de croire que les effets spéciaux et grosse machinerie d’Hollywood puissent créer une illusion aussi parfaite, une émotion aussi palpable que les chevaux- marionnettes de War Horse.
Quiconque a vu un spectacle poétique et onirique de James Thierrée et ses créatures imaginaires comprendra la vie magique de War Horse. Dans le cas de ce spectacle, la poésie tient d’abord aux marionnettes signées Adrian Kohler et Basil Jones, co-fondateurs de la Handspring Puppet Compagny. Deux marionnettistes de talent qui explorent les langages silencieux du théâtre.
Adapté d’un roman de Michael Morpurgo – qui a auparavant écrit un livre pour enfants intitulé « War Horse » et publié en 1982 en Grande-Bretagne – est une histoire tissée de fil blanc entre un jeune homme, Albert, et son cheval, Joey, sur fond de Première Guerre Mondiale en Angleterre. De ce point de départ, un certain nombre d’histoires se greffent avec plus ou moins de succès.
La mise en scène au Lincoln Center (New York) est une adaptation de la création de Londres. Très belle mise en scène qui laisse toute sa place au théâtre comme dialogue entre scène et public.
Le texte se tient, les costumes sont évocateurs d’une époque où la campagne anglaise sentait la terre fraîche. Le décor est étonnement simple avec cette grande bande de papier, réplique de celle que déchire Albert dans le cahier de dessin d’un officier mort. Sur cette bande de papier se projettent des scènes et des dates dessinées tout au long de la pièce renforçant le caractère intime du spectacle.
Mais ce sont bien les chevaux qui représentent le cœur de cette mise en scène. Plus réels, plus présents, plus vivants que n’importe quel cheval ne pourrait l’être sur scène. Ces marionnettes sont l’œuvre d’Adrian Kohler et Basil Jones. Plusieurs hommes leur donnent vie sur scène sans jeter un regard au public. C’est prodigieux. Le cheval respire, se cabre, a peur. Il vit. Quand les marionnettes pourtant moins élaborées que Joey s’effondrent sur le champ de bataille, tout le public frémit.
Notre époque est une drôle d’époque, des vidéos de morts circulent sur internet et dans nos médias mais les spectateurs que nous sommes ne peuvent sans émotion assister à la mort d’un animal même sur scène et s’il s’agit d’une marionnette.
Ce n’est pas un spectacle classique de Broadway. Les chants se glissent entre les scènes, les décors alternent entre éphémères suggestions et détails que manœuvrent les comédiens et quelques décors impressionnants. Le reste de la mise en scène, ces chevaux et l’oie sauvage donnent à l’ensemble de la pièce un chant poétique et subtil rare.
A voir pour s’émouvoir.
Article de Clémence